Interview – Dany Le Sergent

La sarthoise Dany Le Sergent aime la Bretagne, après avoir participé au Trail des Vallées (115kms/2850D+), pris la troisième au classement féminin et une année 2024 ou elle se place régulierement dans le top 20 d’ultras, elle vient découvrir le Trail TKAL et son défi cumulant 62kms et près de 2000D+. Sans appartenir à un club, Dany enchaine les kilomètres et le plaisir de l’effort en solitaire avec ce gout du défi qui la caractérise.

Comment décrirais-tu ton parcours en quelques mots ?

Quel a été le déclic pour te lancer dans le trail, et qu’est-ce qui continue de te motiver aujourd’hui ?

J’ai débuté la course à pied en 2016 en partant de zéro, sur route les 2 premières années mais je me suis très vite tourné vers le trail. Je me suis toujours entraînée seule trouvant ma motivation dans ma participation à de multiples courses à travers la France. Très vite m’est venu le goût de la longue distance et c’est sur des formats longs que je me sens le plus à l’aise. J’aime courir des heures dans la nature sans regarder le chrono, profiter des paysages, varier les allures, pouvoir s’autoriser à marcher en montée pour mieux relancer en descente. Le trail coupe la monotonie de la course sur route. C’est une autre approche qui te permet de partager beaucoup plus avec les autres coureurs. C’est clairement pas sur un marathon où tu vises un temps que tu vas te taper la discute avec un autre concurrent.

Si tu devais choisir un moment clé de ta carrière, lequel serait-ce et pourquoi ?

Le covid m’a fait basculer dans ma pratique. Je me suis mise à courir beaucoup plus, une heure par jour pendant le confinement. C’était notre seul moment de liberté. Depuis, je suis devenue accro aux kilomètres. Avant le covid, je courrais environ 40 km par semaine. Depuis mes semaines tournent entre 80 et 100 km voir plus s’il y a une compétition, à raison de 5 entraînements hebdomadaires.

Tes victoires, les meilleurs moments sportifs ?

Je suis adepte des grands défis où il faut cumuler plusieurs courses en 2 ou 4 jours. A ce titre, j’ai été deux années de suite l’unique survivante du grand défi du Menestrail. Ma victoire sur le défi des 100 bornes de Guerlédan l’an dernier a vraiment été une grande satisfaction aussi puisque ça s’est joué à une poignée de secondes ce qui est vraiment infime sur 100 km. En août 2024, j’ai relevé le plus dur défi de ma vie d’ultra traileuse en finissant le Défi du Montcalm en Ariège. Unique survivante de cet enchaînement fou sur 4 jours: un KV le jeudi soir pour la mise en jambe, la Picariège 70 km 7000 de d+ le vendredi, le marathon du Montcalm 40 km et 2750 de d+ le samedi pour finir avec le trail des Novis 25 km 1250 de d+ le dimanche. Le tout dans un environnement de haute montagne avec plusieurs sommets à plus de 3000 m. A noter aussi mon podium par catégorie sur la mythique 6000 D en 2023 où je finis 8ème féminine.

Une course qui t’attire mais que tu n’as jamais faite et pourquoi ?

J’adore la compétition. Ca me pousse à m’entraîner quelque soit la météo. Je me dis toujours quand le temps est vraiment pourri « vas-y, sors, si ça arrive le jour de la course, tu n’auras pas le choix! »Il faut beaucoup travailler le mental quand tu t’attaques à de l’ultra distance. Des envies, j’en ai plein mais pour l’instant, je vais partout où je peux. Je ne sais pas refuser une invitation. Découvrir de nouveaux trails ou retourner sur des trails que j’adore comme l’UT4M 180 challenge sur lequel je retourne pour la 4ème fois en juillet prochain. Un jour, c’est certain, je me lancerai sur la Diagonale des fous et plus prochainement sur la traversée intégrale de l’Echappée belle ou la PicaPica. Je suis professeur des écoles ce qui a du bon car les vacances sont des moments où je peux vraiment profiter pour m’entraîner plus mais en contre partie, je ne peux pas choisir mes dates de congés et ne peut donc pas participer à certaines grosses courses comme les marathons des sables au Pérou ou ailleurs.

Quel est le défi ou le rêve ultime qui te pousse à continuer de progresser ?

La Bretagne, c’est devenu ma terre de compétition. J’adore les trails bretons même s’ils sont bien souvent synonymes de boue. Ca fait trois ans que je m’aligne sur les courses de l’OTT avec une 6ème place au classement féminin en 2024. Je suis également devenu accro au trail des Vallées qui a lieu en mars : 115 km dans la boue pour ouvrir la saison des ultras, j’adore. J’ai aussi participé au trail de Plaintel cette année qui était vraiment chouette et je vais découvrir le Tkal pour la première fois. Comme quoi, c’est bien de discuter avec d’autres traileurs pendant les courses car c’est lors du Glazig qu’un participant m’a parlé de cette course que je ne connaissais pas.

Pour toi, l’esprit trail, c’est quoi ?

Pour moi l’esprit trail c’est la découverte, la nature , la liberté et le partage. Mais aussi beaucoup le dépassement de soi. C’est bien plus difficile de courir un marathon dans la boue bretonne que dans les rues de Paris.

Qu’est-ce qui t’attire dans le trail TKAL et qu’attends-tu de cette expérience ?

Le TKal va être pour moi l’occasion de découvrir un nouveau terrain de jeu et ça va être d’autant plus sympa que je serai sur le défi et qu’il faudra enchaîner le 25 km le samedi et le 37 km le dimanche. En plus, le ratio kilomètre dénivelé a l’air très sympathique et vu que cet été je dois affronter la montagne, mieux vaut emmagasiner du d+ dès maintenant.

Peux-tu nous parler de ta routine d’entraînement ? Comment prépares-tu tes grandes échéances ?

On me demande souvent « tu prépares quelle course? » et à chaque fois, je réponds « tout et n’importe quoi ». En fait, je m’entraîne toute l’année à la même intensité et je suis donc toujours prête pour aller sur une grosse compétition. En 2024, j’ai couru un peu plus de 4500 km dont 1800 km en compétition (ce qui représente 35 courses dont 4 de plus de 100 km). A cela s’ajoute beaucoup de vélo sur hometrainer et les séances de renfo. Ca représente en moyenne 5 entraînements course à pied hebdomadaire (entre 8 et 10 heures hors compétition), 1 à 2h sur hometrainer et environ 1 h 30 de renfo. Cette année, je dirais que ma plus grosse échéance sera le GRP 160km en août puisque ce sera mon premier 100 miles en montagne.

Comment gères-tu les moments difficiles, que ce soit pendant une course ou dans ta carrière de sportif ?

Les moments difficiles, je les gère au mental. Sur une course longue distance, il y aura toujours des moments où tu auras l’impression que rien ne va, que tu n’en peux plus. Les raisons d’abandonner peuvent être nombreuses si on commence à s’écouter. Travailler son mental est essentiel. On n’est parfois plus que l’ombre de nous même quand on n’arrive plus à s’alimenter par exemple, mais il faut se dire que ça revient toujours. Je n’ai jamais abandonné et je me suis toujours dit que si je devais abandonner un jour, ce serait uniquement sur blessure. D’ailleurs les blessures font hélas partie de la vie des coureurs. Il faut alors adapter l’entraînement en réduisant la part de course à pied par exemple au profit de plus de vélo et se faire aider par un kiné pour ne pas faire n’importe quoi.

En tant que traileur, quelle importance attaches-tu à la nature et à la préservation des paysages où tu cours ?

Pour un traileur, la nature est un terrain de jeu incroyable qu’il faut préserver. On a parfois la chance sur certaines courses de pouvoir passer dans des endroits interdits au public en tant normal et c’est bien d’en avoir conscience et de respecter ces zones préservées en n’allant pas s’y aventurer à l’entraînement. Faire attention à ses déchets, bien entendu, c’est évident. J’aime aussi aller sur des courses à caractère plus intimiste, moins de coureurs, c’est l’assurance de pouvoir être seule face à l’immensité des montagnes par exemple et ça, j’adore même si j’avoue que cet été sur la Picariège, je n’étais pas très rassurée lors de la dernière grosse ascension de nuit dans le brouillard sur des pentes abruptes où je ne distinguais plus très bien le balisage. Là, je n’avais qu’une hâte, c’était de voir du monde!

Y a-t-il des figures (athlètes, proches, etc.) ou des événements qui t’ont inspiré dans ta carrière ?

Quand j’ai démarré la course à pied, je disais souvent que la course des Templiers, c’était un peu mon UTMB à moi. C’est une course mythique pour moi, un peu à l’image de la 6000D. J’ai eu la chance de courir deux fois les Templiers et une fois la 6000D et j’y retournerai bien volontiers. Pour ce qui est des athlètes, je suis pas mal les grandes figures du trail sur les réseaux que ce soit Mathieu Blanchard ou Thibaut Baronian chez les hommes ou bien Sylvaine Cussot (sarthoise et mancelle comme moi) ou Katie Schide chez les femmes pour ne citer qu’eux. Chacun m’inspire à sa façon.

Quel conseil donnerais-tu à quelqu’un qui souhaite se lancer dans le trail ?

Se lancer dans le trail, c’est pas compliqué. Une bonne paire de chaussures et c’est parti. Il ne faut pas regarder le chrono, il faut juste profiter des sentiers en n’ayant pas peur de marcher. Et puis, il faut y aller progressivement. Quand j’ai débuté il y a 10 ans, courir 5 km était une épreuve et maintenant, je cours entre 80 et 100 km par semaine. Persévérance, envie et objectifs en ligne de mire…c’est la clé de la réussite. Et puis surtout, du plaisir!

As-tu des astuces ou des habitudes particulières pour la récupération ou l’alimentation ?

Pour la récupération, le secret, c’est le mouvement. Pour moi, se mettre au repos total après une grosse échéance est une erreur: il faut marcher, faire du vélo sans forcer (le hometrainer est devenu mon meilleur ami pour ça) , bien dormir, bien manger et bien s’hydrater!

Peux-tu partager une anecdote insolite ou un souvenir mémorable vécu pendant une course ?

Une anecdote insolite pendant une course: sur le 63 km du trail des Passerelles de Monteynard en juillet dernier, j’ai doublé une traileuse qui n’avait pas de culotte. Mais quand je dis pas de culotte, c’est-à-dire, pas de short non plus, rien, les fesses à l’air…Si ça c’est pas insolite! Avec les gars avec lesquels j’étais à ce moment là, on s’est regardé et on s’est dit que c’était pas une hallucination vu qu’on avait bien tous la même vision. Bref, j’ai toujours pas compris pourquoi?!!!